Parenthèse autour du décrochage scolaire
Le PAEJ est un service qui propose des accompagnements gratuits, anonymes et confidentiels. Ces espaces de parole s’adressent aux jeunes de 12 à 25 ans et/ou à leur entourage. Parmi les modalités d’intervention du PAEJ existent donc les rencontres individuelles mais aussi les actions collectives de préventions et le partenariat. Les professionnels intervenant auprès du même public peuvent se saisir de groupes d’échanges et de réflexion proposés autour d’une problématique rencontrée. Le décrochage scolaire a ainsi fait partie des thèmes que nous, équipe de terrain du PAEJ du Pays de Lorient, avons pu aborder en fin d’année scolaire 2021-2022.
Un espace d’écoute pour les professeurs ?
La rencontre du 17 mai 2022 dans un collège a été sollicitée par la directrice de l’établissement. De nombreux professeurs s’y sont inscrits en imaginant recevoir une formation. Il y a eu dans un premier temps, l’expression d’une déconvenue du contenu puisque nous n’étions pas là pour apporter des éléments de connaissances sur le sujet mais pour faciliter une élaboration à partir de leurs observations, réflexions et des réponses apportées par l’institution. Il nous a fallu proposer un interstice entre la demande institutionnelle, les attentes des professeurs et notre proposition d’échanges.
Mais qu’est-ce que le décrochage scolaire ? Selon le ministère de l’éducation nationale « c’est un processus qui conduit un jeune en formation initiale à se détacher du système de formation jusqu’à le quitter avant d’avoir obtenu un diplôme. »
Les professeurs assistent à ce processus et le nomment dysfonctionnement, absence, occupation d’une classe par intermittence. Aujourd’hui selon eux, il y a entre 5 et 7 élèves en difficulté dans une classe de 25-29. On entend des inquiétudes et une forme d’impuissance face à cela.
Ils sont surpris de cette évolution, d’une régularité perdue, de l’absence d’envie d’être au collège. « Même les bons élèves ne travaillent pas forcément », n’ont plus la scolarité comme priorité ou s’écroulent d’un coup parce qu’il y a trop de pression.
L’après crise sanitaire
Les professeurs tentent de trouver des explications. Selon eux le confinement serait venu aggraver ce phénomène avec des nouveaux profils d’élèves repérés : « dépressifs », qui vont mal, qui ont perdu le rythme du travail, qui s’isolent.
Ce nouveau fonctionnement établi pendant le confinement aurait amené pour certains adolescents un repli sur soi, qui se perpétuerait encore aujourd’hui. Ce repli était une attente au moment du confinement. Les élèves auraient goûté à autre chose, ils auraient moins de volonté et moins le goût de l’effort, aussi ils sembleraient moins supporter la contrainte d’être au collège et de devoir se mettre au travail. Les professeurs font également le lien avec des problèmes familiaux, des séparations de parents, des déménagements… Ils nomment que ces situations ont pu amplifier le risque de phobie scolaire.
Aujourd’hui, le lien à la scolarité est plus à la carte, les élèves seraient plus dans la « consommation ». Ce rapport au temps « au coup par coup », « ponctuel » serait aussi lié à leur difficulté à se projeter, s’inscrire dans un processus. La pause méridienne, plus courte, ne favorise pas le lien à l’autre : venir au collège a été réduit au travail scolaire hors lien social. Et les choses ne se sont pas remises en place comme avant.
Est-ce que les repères ont changé ou est-ce le regard porté sur ces symptômes déjà présents qui change ? Les professionnels rencontrent ce nouveau réel aussi parce que leurs missions elles-mêmes changent. Ils ont le sentiment de s’éloigner des élèves « avant, un élève en difficulté on le voyait, il y avait un lien de confiance ».
La recherche d’un nouveau lien
Dans ce cadre, ce sont les professeurs qui deviennent demandeurs de liens avec d’autres professionnels : l’infirmière scolaire, la psychologue scolaire, le CPE, les partenaires extérieurs, etc. pour travailler plus en partenariat et être plus associés autour de la situation des élèves.
Nous avons également fait avec eux le tour des liens et solutions allant dans ce sens d’un travail de soutien et de proximité avec les élèves.
Au sein des établissements scolaires, il existe des réponses :
- Un enseignant propose de la « remédiation » auprès d’élèves en difficulté.
- Un atelier « remobilisation »
- La cellule de veille qui améliore la communication en lien à une situation inscrite dans une liste d’élèves signalés pour des difficultés scolaires, relationnelles (CPE, IDE, AS)
- Le dispositif devoirs faits
- Le temps vie de classe
- Les groupes avec des partenaires extérieurs
Des acronymes, quand on les connaît, donnent à voir la diversité des pistes possibles auprès des élèves:
. PAI (Projet d’Accueil Individualisé médicalisé qui concerne des enfants atteints de troubles de la santé)
. PAP (Plan d’Accompagnement Personnalisé quand il y a une difficulté scolaire et trouble dans l’apprentissage)
. PPRE (Programme Personnalisé de Réussite Educative face à une difficulté d’apprentissage dans la scolarité)
. PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation qui est un aménagement d’enseignement en cas de handicap reconnu par la Maison De l’Autonomie)
. PAIP (Projet d’Accueil Individualisé Périscolaire)
L’objectif de ces dispositifs est le maintien d’un lien avec les apprentissages. Hors, être professeur, c’est aussi demander et chercher à comprendre la situation dans laquelle se trouve un élève.
Les professionnels déplorent le versant administratif des réponses proposées qui peut empêcher la mise en place de solution ou réduire le temps passé auprès des élèves.
Une rencontre entre deux mondes
Au fur et à mesure des échanges, la parole se décomplexifie et circule, des fils se tissent entre eux.
Même si cet espace d’échange n’était pas une formation comme les enseignants l’attendaient, nombreux ont été ceux qui ont saisi cet espace pour échanger sur une situation, nous disant bénéficier de peu d’espace, de temps de groupe pour ce faire. Nous avons perçu un fort désir d’échanger, de se parler, d’écouter, de comprendre, revenir sur leurs pratiques au quotidien et l’évolution de celles-ci. C’était « une rencontre entre deux mondes ».