Ce que nous apprennent les cafés-parents…

Après une année de fonctionnement à Pontivy – soit sept cafés-parents – un retour sur la dynamique de ce dispositif nous a paru nécessaire afin d’envisager les perspectives à donner à cette formule d’accueil de la parentalité. Il est essentiel de faire une lecture des cafés-parents au-delà des données factuelles (nombre de participants, horaires, lieux) et au-delà des thèmes proposés (le confinement, l’exil, la fratrie, les réseaux sociaux, la réussite et l’échec scolaire, les discriminations de genre, l’autorité). Ces thématiques sont présentées à chaque fois sous une forme interrogative pour ouvrir aux questionnements de chaque parent et permettre plusieurs angles d’approche.

Quand l’idéal est bousculé…

Il est intéressant de souligner la dynamique à l’œuvre dans ces temps d’échange. En faisant une place à la parole de chacun, une conversation prend forme, entre parents, avec la psychologue, où ils sont invités à témoigner de leurs expériences, heureuses et malheureuses, de leurs impasses et de ce qu’ils inventent. C’est ainsi que va s’articuler le collectif. Ce que dit l’un va faire écho au propre vécu d’un autre parent, va surprendre, questionner, un autre s’aperçoit que ça ne marche pas non plus ailleurs. Chaque parent va témoigner de comment une colère, un échec, une manière d’être dans le lien social, un adolescent indocile ou addict… vient heurter son idéal et, dire, souvent, qu’il ne sait pas y faire.



…une autre direction est à inventer…

Devenir parent ne correspond pas dans le quotidien à l’idéal que chaque homme, chaque femme, s’est forgé mais le confronte à une fonction, à une responsabilité qui peut, à un moment donné, le déboussoler, le dépasser. Pourtant, que ça rate est inhérent dans la rencontre d’un parent avec son enfant. C’est cet écart entre ce qui était attendu et ce qui surgit qui vient les dérouter. Le vécu de cette impuissance peut, par le biais du café-parents prendre une autre direction, celle qui fait entendre la position subjective d’un enfant, une souffrance singulière, ou fait résonner, souvent par surprise, une expérience de l’histoire du parent. Chacun a à trouver comment créer un nouveau lien avec son enfant, un peu plus supportable : parfois c’est davantage de distance qui est nécessaire comme souvent à l’adolescence, d’autres fois c’est en soutenant les initiatives – particulièrement angoissantes pour le parent – quand le jeune enfant fait des expériences.


…pas sans un aiguillage millimétré.

Pas de solutions toute faites mais des appuis à trouver par l’échange, l’expérience, le débat, chacun avec son point de vue, où la prise de parole va permettre de prendre du recul et de s’aiguiller autrement avec ce qui se présente comme insupportable. Il s’agit ni de juger les parents, ni de les éduquer, ni de les coacher mais plutôt qu’ils puissent dire et déposer une souffrance rencontrer avec leur enfant. Ainsi, quand une question plus intime se formule, nous pouvons proposer de recevoir au un par un, un parent au Point Écoute Parents, pour le soutenir dans l’invention d’un nouveau type de lien social tenant compte des possibilités et des limites propres à chacun dans la situation. Être parent n’est pas naturel. C’est la rencontre entre un père, une mère, et un enfant. Elle se construit et ce n’est pas sans heurts. Il s’agit de proposer un accueil sur-mesure pour que quelque chose jusque-là insu puisse se dire.


La surprise de s’entendre parler

Je reçois Mme T venue pour un café-parents dont le thème invitait à discuter de la réussite et de l’échec scolaire, questionné ainsi : “Attentes et volontés parentales, quel effet ?” Mme T se retrouve comme seule participante ; arrivée avec un peu de retard, l’animatrice l’invite d’emblée à s’installer. Je lui indique la possibilité qu’il n’y ait pas d’autres parents, Mme T souhaite rester. Elle raconte qu’elle a trois enfants, une première fille en 4ème, une seconde « c’est avec elle que c’est difficile » et un garçon de six ans. Elle poursuit en précisant que son mari est enseignant, elle aussi, précisant qu’elle travaille auprès d’adolescents en difficultés scolaires. Elle s’étonne de parler d’elle et précise que s’il y avait eu d’autres parents elle n’aurait jamais dit tout cela. Mme T poursuit. Elle se culpabilise ; elle met la pression à sa fille en CM2. Je lui demande d’expliquer ce qu’elle veut dire par là. A chacune des questions de sa fille, animée par le désir, de voir des amies, d’aller se balader, de faire les magasins… elle répond d’emblée « et tes devoirs ? » sans donner réponse à la demande première. A mon invitation, elle parlera de sa manière d’intervenir auprès des jeunes qu’elle rencontre. “Je leur dis, qu’est-ce que tu aimes ? On discute de tout et de rien, s’il a des copains pour mesurer le lien social et surtout je leur dis « l’école c’est pas tout »”. J’arrêterai notre discussion sur ce propos de Mme T qui s’entend dire « l’école c’est pas tout » résonnant avec ce qui se joue avec sa fille. En partant, elle ajoute que c’est certainement important qu’elle tente d’appliquer cela aussi avec sa fille.

Delphine Gicquel

psychologue clinicienne