Comment les familles se saisissent d’un espace de parole

Nos interventions au sein du Point Ecoute Parents sont très diverses et variées. Notre priorité : Être à l’écoute de la demande des familles, parents et enfants.

Une première demande

Lorsque nous recevons l’appel de la mère de Lola 5 ans, c’est une demande qui concerne l’enfant. Nous rencontrons une première fois, la mère et sa fille. Lors de cette rencontre, sont évoquées différentes difficultés de l’enfant, des crises de colère en lien avec une frustration, des comportements parfois violents à l’égard de ses parents… Nous constaterons une forme de tensions mère- fille. Ce sera l’occasion pour la mère de nommer une fatigue et une incompréhension face à l’attitude de sa fille qui s’exprime peu sur ses ressentis et notamment sur ce que traverse la famille. En effet, lors de l’entretien est évoquée une intervention chirurgicale, très lourde et délicate, du père de Lola, prévue prochainement.  Ceci déstabilise beaucoup la cellule familiale. Cet événement venant inquiéter chaque membre de la famille, amenant son lot d’angoisses en lien avec cette intervention.

Mais Lola ne se montre pas demandeuse de revenir nous rencontrer.

Une élaboration vers un accueil des parents

Aussi, à l’issue de l’entretien, nous proposons un échange téléphonique pour pouvoir évaluer avec la mère ce qui est possible et ce qu’elle souhaite. Et pouvoir entendre que Lola ne souhaite pas s’exprimer. Au fil de cet échange, sera évoqué la possibilité de recevoir les deux parents. Les parents sont ainsi venus nous rencontrer à plusieurs reprises et se sont saisis de cet espace pour évoquer leur vécu du moment, leurs inquiétudes, leurs angoisses… Mais, ils ont pu également faire du lien avec leur histoires respectives d’enfant, ayant l’un et l’autre un vécu douloureux et traumatique. Père et mère ont pu parler d’eux en tant qu’enfant, leur permettant dans un second temps de faire des liens entre l’enfant devenu parent. Ils ont pu élaborer autour de leur parentalité, comment ils ont appris à être parents. Cet accompagnement était complémentaire à des thérapies individuelles, mais celles-ci ne leur permettaient pas d’avoir un espace commun. Ce temps qui leur a donc permis de mettre des mots, ensemble, sur leurs inquiétudes, leur peur de la mort, de la perte pouvant survenir au moment de l’intervention. Dans un premier temps, ils souhaitaient l’un et l’autre que Lola verbalise ses peurs, ce qui était compliqué pour elle. Mais, le préalable à cela était probablement qu’ils puissent le faire eux-mêmes, afin de dégager leur fille de leurs propres angoisses.

Ces différents entretiens auront lieu sur quelques mois, jusqu’à la date de l’intervention. Un espace de parole, dans un processus de vie où les deux parents pourront se parler dans un lieu neutre. Cet événement leur a finalement donné l’occasion de faire cette démarche, se poser dans un espace, se parler de leurs inquiétudes et angoisses, adresser à des professionnels et nommer de façon commune. Puis d’élaborer autour de leurs conceptions, leurs valeurs en tant que parents, de leurs attentes et de leurs projets… ce que bien souvent, peu de parents, ont l’occasion de faire dans leur quotidien.

Les effets sur l’enfant

Et Lola, selon ses parents, s’est progressivement apaisée. Nous pouvons faire l’hypothèse que l’espace investi par les parents pour évoquer leurs angoisses, leur a permis de protéger leur enfant de ce qui les animait à ce moment-là. Et, le besoin de s’exprimer qu’ils projetaient chez leur fille, a pu être remis de leur côté grâce à cet espace.

Nous aurons par la suite la bonne nouvelle d’une intervention chirurgicale qui s’est bien déroulée pour le père, la famille a ainsi pu reprendre le cours de sa vie. La parole étant un ingrédient essentiel à la vie !

Sophie TALIGOT

éducatrice spécialisée, PEP de Lorient