L’aller vers, une histoire de rencontre

Au Point Accueil Écoute Jeunes du Pays de Lorient, les professionnelles accueillent de manière gratuite, anonyme et confidentielle tout jeune âgé de 12 à 25 ans et/ou de son entourage sur différents lieux et selon diverses modalités. C’est ce qui fait l’une des particularités de ce dispositif : le déplacement, l’aller vers.

L’aller vers, un terme très tendance actuellement, une nécessaire évolution de la posture dans le  travail social.

Une gageure pour les institutions, car la logique habituelle est encore largement celle du guichet qui attend son public. Il apparaît donc aujourd’hui essentiel de changer de place, de faire un pas de côté. 1

Il existe de nombreuses définitions, nous en avons trouvé une, issue d’un congrès ayant eu lieu à Lorient, sur la thématique de l’aller vers.

L’aller vers a deux dimensions principales : une mobilité hors les murs vers les milieux de vie, et une posture relationnelle d’ouverture vers la personne alors qu’elle peut renoncer à être aidée…

L’aller vers est à entendre comme une démarche qui se situe au-delà de toute intervention sociale, qu’elle soit d’accueil, de diagnostic, de prescription, d’accompagnement. Cette démarche rompt avec l’idée que l’intervention sociale ferait systématiquement suite à une demande exprimée. Elle permet d’intégrer dans les pratiques, les situations de non-demande de certains publics (pas seulement des personnes vulnérables) et engage les acteurs à se situer dans une pratique pro-active, pour entrer en relation avec ces publics. 1


L’aller vers, une pratique déjà bien ancrée au sein du PAEJ. Comment nous y prenons- nous ?

Accueillir en facilitant la démarche et l’accès au service prend plusieurs formes.

  1. Les permanences d’entretiens individuels permettent de se tenir disponibles à proximité du lieu d’habitation ou de scolarisation du public qui sans cela n’aurait pas forcément fait la démarche de venir jusqu’à nous. C’est à nous de faciliter la rencontre. Ça nécessite parfois de se décaler de l’injonction qui a amené le jeune à se présenter “il faut que tu parles”, “il faut que tu y ailles”. C’est plus facile de venir au rendez-vous si c’est plus près, mais il nous faut quand même maintenir un espace dans lequel une demande puisse émerger ! 

  2. Les actions collectives de prévention et de promotion de la santé offrent une présentation du service, une communication plus lisible sur les accueils possibles, parfois la dédramatisation de la fonction de chaque professionnel. C’est déjà une rencontre avec un psychologue clinicien ou un éducateur spécialisé. Mais c’est aussi la rencontre avec ses pairs dans un contexte particulier, différent d’un moment de classe. Un moment où l’on peut aller à la rencontre de la carte du monde de l’autre.

Lors d’un atelier parole récent auprès de 6èmes d’un collège, une élève nous demande “on est obligé de dire des choses personnelles de nous ?”. Le contexte du groupe lui permet d’adresser sa question et aussi d’avoir une réponse qui doit la rassurer : dans le contexte du groupe, il s’agit de participer à des échanges autour d’un thème. On n’est pas obligé de parler de sa vie privée et on prend rendez-vous pour un accompagnement individuel que s’il y a une demande,  un besoin, que c’est le moment où on se sent prêt.

Le groupe facilite, permet d’aller vers ceux qui pourront, dans un second temps, avoir un besoin, une demande. Aller vers, ça permet justement de rester discret, pas d’avoir seulement pignon sur rue, et parfois de permettre de faire émerger un besoin dont on n’avait pas conscience.

L’accueil inconditionnel de toutes demandes et l’aller vers la demande du public toute singulière.

L’aller vers commence dans la salle d’attente du PAEJ. En effet, lors de nos permanences, accueillir, sourire et demander si le jeune et/ou le parent est attendu par une collègue et lui signifier que nous prévenons notre collègue vient signifier à la personne qui est venue qu’elle est attendue et accueillie, entamant ainsi la rencontre à venir.

Se rendre disponible à la rencontre, c’est lui offrir un espace et lui donner du temps. 2


Des exemples de pratique d’aller vers

Aller vers les professionnels grâce à un temps de rencontre autour de la souffrance psychique « santé sur les quartiers » mis en place par le service “Promotion de la santé dans les quartiers” de la ville de Lorient

Quant aux objectifs de ce temps de rencontre, il s’agissait de favoriser l’interconnaissance entre les acteurs locaux de la santé mentale, les professionnels et les acteurs des quartiers.

L’idée était également de proposer aux professionnels et acteurs des quartiers un soutien dans leur pratique quotidienne autour des questions de santé mentale vécues ou relayées par les habitants.

Ce temps de rencontre s’est déroulé le mardi 10 octobre 2023 à l’Hôtel de ville de Lorient.

Les professionnels présents, l’EPSM Charcot, le Dispositif Ambulatoire Adolescents, les équipes de liaison de pédopsychiatrie, et le CMP Blanqui,  l’association SESAM Bretagne avec l’équipe du PAEJ, Le Point santé/réseau médico-social Lorient/Lanester,  la CPAM avec le dispositif « Mon psy », sont ainsi venus présenter leur structure et activités en lien avec la santé mentale et répondre aux questions des différents professionnels inscrits à ce temps de rencontre, qui ont « déambulé » d’un stand à un autre.

Lors de ce temps de rencontre, nous avons eu la possibilité de présenter notre service à de nombreux professionnels, qui ont pu s’en saisir par la suite. En effet, découvrir notre service par un autre biais a suscité l’envie de travailler ensemble ou de réfléchir à des projets en commun.

De plus, cela a été l’occasion de montrer ce qui se passait lors de groupes d’échange auprès des jeunes autour de la question de la santé mentale, par l’utilisation des cartes Dixit, que nous avons proposées aux professionnels présents. Chacun a pu ainsi nommer son choix et en dire un peu plus sur lui.

Suite à ce temps de rencontre, les partenaires ont confirmé l’intérêt d’approfondir cette connaissance mutuelle, ce qui pourrait éventuellement constituer un deuxième temps de rencontre.

Une déclinaison sur une échelle plus petite comme celle du quartier est envisagée. Dans la perspective d’une récurrence de ce type de rencontre, il est intéressant de conserver la proximité avec les dates des Semaines d’information en Santé Mentale en octobre.

Aller vers les étudiants sur le Village santé UBS

Village santé Lorient 2023Le Pôle Étudiant Prévention Santé Handicap (PEPSH) de l’Université de Bretagne Sud (UBS), a envisagé de reconduire pour la rentrée universitaire 2023, le village santé qui avait eu lieu en septembre 2022.

L’objet du Village santé à l’Université est de réunir tous les partenaires concernés afin que ceux-ci présentent leur structure, dans les domaines de la santé, de la santé mentale, de la santé affective et sexuelle, de la santé sociale, des addictions et de la réduction des risques en milieu festif, afin de permettre aux étudiants de l’UBS de mieux comprendre l’offre de soins disponible sur le territoire de leur campus.

Lors du village santé, nous avons mis en place un stand, au cœur du pôle Santé mentale, où nous avons proposé deux espaces. L’un dédié aux cartes Dixit, à envisager comme « un brise-glace » permettant aux étudiants qui déambulaient de venir choisir une carte, de parler de ce choix et ainsi de parler d’eux-mêmes, en tant qu’étudiants. Le second espace a été dédié à des cartes davantage orientées vers la question de la santé en général, et ce que cela génère comme interrogations, comme freins, comme possibles aussi…

A l’image du PAEJ où les jeunes peuvent se saisir du service en fonction de leurs demandes, le stand a permis à certains jeunes de simplement passer sans s’y arrêter et à d’autres de s’y   « installer » pour échanger, découvrir le service et enfin nommer ce qui pouvait être difficile pour eux en tant qu’étudiants en première année, avec ce que tout cela engage et génère au niveau du choix des études, du logement, des finances et de l’isolement dans le fait d’être loin de sa famille… il s’agit ici de l’aller vers, tout en laissant le choix.

C’est-à-dire, aller vers des personnes qui ne demandent pas forcément d’aide mais qui peuvent en bénéficier, cela n’allant pas de soi. Un défi d’aller vers la personne quand elle ne le demande pas, tout en laissant le choix, à savoir  respecter son libre-arbitre.

Il s’agissait ici pour nous, de présenter et décrire des actions de notre quotidien de professionnels d’un PAEJ, dans la démarche d’un aller vers qui nous permet de nous adresser  à tous de manière inconditionnelle. Une pratique présente pour que chacun ait accès à ce qui relève du droit commun, que les espaces publics soient ouverts à tous et investis par chacun. Des professionnels disponibles, à l’écoute des besoins et des demandes sans mandat spécifique, dans le respect de l’anonymat des personnes et sans institutionnaliser l’intervention.

Ce n’est pas pour rencontrer les autres qu’il faut sortir de chez soi, mais pour se rendre disponible à la rencontre 2



1 “Aller vers” Entre injonction et désir, l’enjeu de la rencontre ! M.A.I.S Mouvement pour l’accompagnement et l’insertion sociale, Congrès du 31 mai, 1er et 2 juin 2022 à Lorient

2 C. Pépin, La rencontre, Une philosophie, Allary Editions.

Pascale MARCADE

psychologue clinicienne, PAEJ du Pays de Lorient

Cécile HERRMANN-LEHUEDE

psychologue clinicienne, PAEJ du Pays de Lorient

Sophie TALIGOT

éducatrice spécialisée, PAEJ du Pays de Lorient