Etre parent, faire famille ou l’histoire d’une rencontre. Ou pas…

Du côté de la jeune parentalité

En lien avec une recrudescence de demandes concernant la jeune parentalité au PAEJ du Pays de Lorient, voici mises en lumière quelques réflexions, qui reflètent l’accompagnement au sein du PAEJ où la question de la parentalité prime, par l’accueil de l’entourage des jeunes et donc principalement des parents, renvoyant à l’accompagnement et au soutien de la fonction parentale propre à l’association SeSAM Bretagne.

Autant, il y a quelques années la porte d’entrée au PAEJ était tout autre, ce n’est qu’au cours de l’entretien qu’émergeait cette question.  Mais, aujourd’hui la première demande émanant de certains jeunes est liée à la parentalité, dans ce que le jeune perçoit et questionne de son rôle de père ou de mère, en questionnant sa légitimité, en s’autorisant à nommer ses angoisses et la peur du devenir de son enfant, ainsi que le vécu de l’accouchement…

L’universalité toute singulière du questionnement quant à être ou devenir parent

En quoi la jeune parentalité questionne ? En quoi elle vient nous interroger par rapport à une parentalité plus âgée ?

En lien avec une intervention réalisée auprès de parents d’adolescents, ce qui a été interrogé, lors de l’échange, est le rôle des parents, si ce qu’ils font est à faire, s’ils ont donc bien ou mal agi, leurs frustrations, leurs étonnements face à ce que leur enfant advient, leurs propres perceptions de leur enfant qui ne sont plus en accord avec ce qu’il est aujourd’hui, ce qu’eux-mêmes perçoivent de l’adolescence en général, et en lien avec leur propre adolescence… Et en fin de compte, c’est questionner ce qu’ils peuvent y faire, ne comprenant plus leur enfant qui grandit, leur renvoyant quelque chose qui échappe, qui se différencie, qui se sépare par l’indifférence, l’arrêt total des câlins et des embrassades, par un mutisme (« il ou elle ne me parle plus »), des colères et des claquements de portes, ou des passages à l’acte, comme des fugues, des vols…lorsque tout semble aller bien.

C’est faire le constat d’un grand écart entre enfant rêvé et enfant réel, la légitimité d’être parent de cet enfant-là, légitimité mise à mal par la société, les messages et les conseils multiples. Ne pouvoir être parfait, ne pas réussir font effraction parfois.

Telle cette jeune femme qui a vécu un accouchement traumatisant, qui l’a projetée vers un monde terrible, très éloigné de l’accouchement idéal, ce moment de grâce qui demeure encore dans l’imaginaire collectif, parce que vécu seule et sans être préalablement parlé.

L’accouchement a été vécu de façon traumatique par Enora, âgée de 22 ans. Elle ne se sent pas bien depuis. Cela ne se parle pas, car pour elle, elle n’a pas les mots et ne sait pas quoi en dire. Elle manque de confiance en elle, doute quant à son rôle de mère. Elle nomme une enfance compliquée en lien avec la relation tendue avec sa mère. Le fait d’être devenue mère a ranimé ce qu’elle-même a été en tant qu’enfant auprès de sa mère et ce fut pour elle très envahissant, comme « un voyage dans le passé ».

Quant à la légitimité, Arthur, 18 ans, vient d’apprendre qu’il va devenir père. Dit se sentir lui-même comme un enfant. Se dit perdu car ne sait pas quoi répondre à sa compagne qui souhaite qu’il vive avec elle et le bébé. Dit ne pas se sentir père car ne réussit pas à  prendre son enfant dans ses bras. A raté l’accouchement, est complètement décalé, il n’a pas eu le temps d’imaginer son enfant. Aujourd’hui, il se décrit comme « tout seul dans un bateau sans savoir naviguer, je suis terrifié ».

Quelque temps plus tard, il a pu voir sa petite fille et la prendre dans ses bras, cela lui a fait du bien même s’il se pose encore des questions. Prévoit d’aller un week-end chez sa petite amie tout en imaginant vivre seul pour le moment. Il ne se sent pas prêt, dit ne pas se sentir légitime.

Ainsi, au niveau du PAEJ, il s’agit d’accompagner ces doutes et questionnements quant au fait d’être parent, et ce qui fait famille, d’autoriser le jeune à mettre des mots sur ce qui pèse et qui ne peuvent parfois pas se nommer ailleurs, par défaut ou par impossibilité, en respectant le rythme de chacun et en favorisant l’expression singulière de chaque jeune rencontré. A chacun d’inventer sa façon d’être mère ou père.

Du côté du cinéma

« L’enfant » des frères Dardenne (2005)

Ce film, proche du documentaire, illustre une parentalité parmi d’autres, dans ses possibles mais aussi ses failles et ses travers. En effet, cela vient également questionner la place du père qui finit par commettre l’inavouable.

Ce film, par ailleurs, a été beaucoup utilisé, au sein du PAEJ, en extrait auprès d’un public de jeunes adultes, qui a pu ainsi nommer son étonnement, ses questionnements, ses doutes quant à avoir un enfant et devenir parent, lors d’échange autour de cette thématique.

« All we had » de Katie Holmes (2017)

Un road movie d’une mère et sa fille adolescente, âgée de 13 ans. Fuyant ensemble, un compagnon violent, elles se retrouvent sur la route, sans rien, sans argent mais avec le désir d’aller à Boston. Elles vont ainsi vivre dans la voiture, qui se délite peu à peu, voler pour survivre jusqu’à un café où elles vont rester. De ce périple, apparaît une relation inversée, où la fille est la mère et la mère, l’adolescente, irresponsable et insouciante. C’est la fille qui venant à craquer vient mettre en avant les dérives de la mère qui se reprend en main.

Pascale MARCADE

psychologue clinicienne, PAEJ du Pays de Lorient