Parents d’ado, à chacun sa recette

Groupe d'échange entre parents d'adolescents

Fin 2022, le PAEJ Cap Jeunes, à Guingamp, a inauguré une nouvelle proposition, cette fois à destination des parents, intitulé « Parents d’ado, à chacun sa recette ». Deux professionnelles rencontrent des petits groupes de parents, un mercredi soir par mois, autour d’une thématique définie à l’avance au sein du service. Des relations entre un parent et son adolescent à la fonction des écrans pour un adolescent, en passant par l’éveil des relations amoureuses et le rapport au corps, diverses portes d’entrée servent de prétexte à parler ensemble de ce qui fait difficulté au quotidien. Un support est parfois proposé, lorsque la parole est difficilement mobilisable. Cela peut être une courte vidéo, une lecture, un dessin humoristique ; un support sur lequel s’appuyer pour engager sa parole.

Une conversation

Un temps d’échange sous forme de conversations permet donc de venir partager ce qui fait « embrouille », « crise », ou « exaspération ». En somme, ce qui vient comme un excès, comme un insupportable du côté des parents, mais aussi comme ce qui fait énigme pour eux. Les premières rencontres ont permis à plusieurs mères ou pères de nommer leur angoisse face à cet enfant qu’ils pensaient connaître et qui leur devient étranger à mesure qu’il entre dans l’adolescence. Ainsi les parents parlent d’abord du symptôme de leur jeune : « il passe trop de temps devant les écrans », « il n’écoute pas ce que je lui dis », « on ne peut plus se parler comme avant », « il est triste », « il est en colère tout le temps sans raison », etc. Parler de l’autre – ici l’enfant adolescent – pourrait permettre de ne pas parler de soi. Pourtant, le parent vient dire ce qui le tourmente lui, avec ses propres mots. L’enjeu est alors de faire résonner ces mots dits lors de la conversation afin que chacun d’entre eux entende la part qu’il a dans ce qui se passe à la maison. Un lien unit parent et enfant, aussi symptomatique soit-il. Il s’agit de passer d’une plainte sur son ado à une question personnelle qui engage la responsabilité subjective de celui qui parle. Dans cette affaire, le pari est de donner un peu d’air au parent comme à l’adolescent.

Les “trouvailles” de chacun

Plusieurs parents disent avoir trouvé là un lieu « neutre », « qui ne pose pas d’étiquette » et permet de « se sentir moins seule ». Dernière formule paradoxale puisque tout en partageant les trouvailles, les recettes du quotidien, chacun repart – seul –  avec une question qui lui est propre. Une trouvaille n’est pas systématisable, en aucun cas elle ne peut valoir pour tous, mais elle enseigne sur ce qui peut s’inventer dans chaque foyer pour dépasser ce qui souvent est qualifié de « crise ». Chacun entend que derrière l’adolescent « qui refuse tout », il y a un adolescent qui souffre, un adolescent agité par des modifications pubertaires et psychiques. Et ils entendent alors que leur souffrance de parent et celle de leur enfant ne sont pas superposables ni liées d’une quelconque façon par un lien de cause à effet, mais que chacun est à entendre dans sa singularité.

Chloé Le Faucheur

psychologue clinicienne, PAEJ Cap Jeunes