Comment ouvrir au lien ? un projet PAEJ-Mission Locale

Comme pour beaucoup de PAEJ, la Mission Locale est un partenaire privilégié. Celle de Pontivy a accueilli l’installation du dispositif avec entrain et soutenue sa mise en place en mettant à disposition un bureau dans ses locaux. Le travail de complémentarité se poursuit aujourd’hui par l’orientation de jeunes vers l’accueil individuel du PAEJ. Il prend forme également dans la construction d’un projet commun à destination de jeunes femmes bénéficiaires du RSA, bénéficiant d’un accompagnement de la Mission Locale, également mère d’enfants en bas âge.

Les constats de la Mission Locale

Plusieurs constats ont été amenés par la Mission Locale Centre Bretagne concernant ces jeunes femmes.

Certaines manifesteraient une peur de l’extérieur, la société serait un danger pour elle, la famille devenant un refuge. Un repli sur la famille et sur l’enfant est mis en évidence. La peur d’aller vers les institutions, par crainte qu’on les sépare de leur enfant, est également un enjeu fort, les professionnels du secteur social étant souvent assimilés au signalement et au placement de l’enfant. Il y a souvent un rapport fusionnel avec l’enfant, le faire garder pouvant renvoyer à l’image d’être une mauvaise mère. Il y a en question la quantité et la qualité du lien. Apparait également parfois, un processus de répétition des difficultés sociales et familiales, économiques sur plusieurs générations.

Sur le territoire du pays de Pontivy, il y a une forte population comorienne avec des références culturelles différentes et un système d’entraide et de « débrouille » développé dans la communauté. Les jeunes filles sont prises entre l’appartenance à la communauté et parfois la volonté de s’en affranchir.

Plusieurs jeunes femmes ont des difficultés à intégrer que dans le cadre d’une rémunération de la Mission Locale (issue du RSA) elles ont des droits et des devoirs. Il y a en effet obligation dans le cadre du RSA et plus spécifiquement dans le cadre de l’appel à projet du département du Morbihan de 8 semaines de mise en action. Elles pensent qu’elles peuvent bénéficier de 3 ans de congé parental.

Les difficultés à trouver des modes de garde bloquent l’accès au travail, et constituent également un argument empêchant de se mettre en mouvement.

Les liens sociaux en question

Ces constats nous ont amenés à nous questionner sur les liens sociaux. Serge Paugam dans le livre Le lien social (Edition Que sais-je ?) met en évidences quatre types de liens sociaux : le lien de filiation qui renvoie à la sphère familiale ; le lien de participation élective relevant des relations extra familiales, il se constitue et reconstitue tout au long de la vie sur une base affinitaire ; le lien de participation organique qui renvoie au monde du travail et le lien de citoyenneté qui articule les droits et devoirs au sein de la société.

« Ces 4 types de liens sont complémentaires et entrecroisés. Il constitue le tissu social qui enveloppe l’individu ». Dans chacun d’entre eux s’expriment deux fondements communs : la protection « comptez sur » et la reconnaissance « comptez pour ».

La volonté de ce projet est d’ouvrir sur des lieux culturels et d’accompagnement social pour rencontrer de nouveaux espaces pouvant répondre à ce besoin de sécurité et de reconnaissance. Ainsi, venir expérimenter de nouveaux liens sociaux serait un média pour accompagner un cheminement sur la question de l’attachement, de l’appartenance, de l’estime personnelle et sociale.

Les objectifs de l’action

Ceux-ci se déclinent tant sur le plan individuel que collectif afin de permettre une prise de parole sans jugement. Il s’agit de créer un espace de rencontre et d’échange entre jeunes et professionnelles afin de :

– Sensibiliser à la santé et à la place du lien social dans celle-ci

– Travailler sur les représentations des différents rôles d’une femme

– Favoriser « l’aller vers » des espaces de socialisation et l’accès à la culture dans une dimension individuelle (pour le parent et pour l’enfant), ainsi que dans une dimension d’activité partagée (parent et enfant)

– Favoriser l’accès à des espaces d’échange sur la parentalité

– Favoriser le repérage de mode de garde pour soutenir l’insertion professionnelle

Le déroulement du projet

Le projet se déroulera en 5 ateliers, avec un groupe de 8 jeunes femmes maximum, âgées de 16 à 26 ans. Le fil conducteur étant le lien social, les ateliers se dérouleront dans des espaces de « la cité ». Chaque atelier permettra de faire découvrir et présenter le lieu, les professionnelles et les modalités d’accueil, dans l’idée d’en favoriser le repérage et donc l’accessibilité.

Au vue des constats, il nous semble nécessaire de prendre en compte, dans la mise en place des actions, la relation parent/enfant mais aussi la femme dans son individualité. C’est pourquoi nous avons envisagé une partie des ateliers sans enfants et l’autre en leur présence. Une garde d’enfants sera proposée pendant que les mères participent aux ateliers. Le fait que les enfants soient à proximité pourrait avoir un côté rassurant pour elles et permettrait de mettre en évidence leurs interactions.

A travers un débat mouvant et des échanges, le premier atelier au local du PAEJ de Pontivy abordera la question de la santé et la place du lien social dans celle-ci, afin de faire émerger la vision et le vécu des participantes autour de ce thème. Le deuxième atelier aura lieu dans une médiathèque. Il débutera par la diffusion du documentaire « XY » fournit par l’association J’ai Vu un Documentaire et un jeu de mises en situation, avec l’intention d’échanger autour des représentations des rôles d’une femme (femme, mère, compagne, professionnelle, citoyenne…) et du vécu de chacune. Le troisième atelier permettra d’aborder la parentalité. Les enfants seront invités à y participer et l’atelier débutera à la ludothèque où trois espaces de jeux (parents – enfants – parents/enfants) seront proposés. Il se poursuivra par un goûter convivial à la Maison Pour Tous. Le quatrième atelier aura lieu au pôle petite enfance des enfants également. Il s’agira de favoriser la connaissance des modes de garde pour déconstruire les représentations, d’échanger sur les moments de séparation et de soutenir l’insertion professionnelle.

Enfin, un dernier temps à la Mission locale viendra conclure le projet et recueillir l’évaluation des participantes. Si cette expérimentation est probante, elle sera possiblement transposable au secteur de Locminé. Les conseillères de la Mission Locale repèrent en effet des besoins du même ordre sur ce secteur, l’utilisation des ressources propres à cette zone géographique est nécessaire pour prendre en compte la notion de mobilité.

Elodie KERAMBRUN

éducatrice spécialisée, PAEJ du Pays de Pontivy