Le théâtre vecteur d’échange et de pair-aidance
En fin d’année 2022, une rencontre a été organisée par le PAEJ de Pontivy avec le soutien de la mairie de Pontivy et le Point Information Jeunesse, afin de rencontrer le personnel pédagogique et infirmier.e.s scolaires des collèges et lycées de la ville.
Cette rencontre fut riche en terme d’interconnaissance. Elle a permis de faire connaître les missions du PAEJ, notamment la mise en place d’actions collectives de prévention en collaboration avec les partenaires. Elle a également donné à voir la réalité des professionnels dans les établissements scolaires – pris entre attentes officielles pour la mise en place d’action de prévention et le manque de temps et de moyen pour le faire – ainsi que leurs regards sur l’évolution des problématiques des jeunes.
Cette rencontre a porté ses fruits ; en effet la CPE du lycée professionnel du Blavet à Pontivy, sollicite le PAEJ en février 2023 pour présenter le projet qu’elle porte avec le groupe d’élèves ambassadeurs contre le harcèlement scolaire, dans le cadre du dispositif Phare.
Le théâtre support d’une action de prévention sur le harcèlement
Depuis la rentrée, ce groupe écrit et répète une pièce de théâtre qui a pour but de sensibiliser les élèves du lycée au thème du harcèlement. Ils travaillent avec Matthieu Gourmel, comédien, metteur en scène et art-thérapeute au sein de la compagnie de théâtre professionnelle, Kheirôn Théâtre. Les élèves ont été soutenu dans leurs répétitions tout au long de l’année par une surveillante. La CPE a pour idée de mettre en place un débat à l’issue de la représentation avec les élèves présents dans le public et co-animé par des professionnels de différentes formations et horizons.
En avril, une professionnelle du PAEJ (Association SeSAM Bretagne) et la maréchale des logis-chef de la Maison de Protection des Familles du Morbihan (Gendarmerie), sont allées à la rencontre d’une partie du groupe d’élèves en répétition. Matthieu Gourmel explique que le texte de la pièce a été travaillé à partir de situations que les jeunes ont prélevé dans leurs histoires personnelles, ensuite réagencées pour faire en sorte que ce ne soit pas trop identifié sur une personne. Les jeunes expriment leur intention de faire réagir le public en montrant l’agressivité et la violence – sans montrer le volet des solutions – ainsi que les défaillances du système, certains actes n’étant pour eux pas reconnus ou amoindris par les adultes et le système éducatif.
Lors de cette répétition, l’un des jeunes acteurs en position de « harcelé » doit jouer une scène où il attrape par le col un camarade et doit montrer, sous les conseils du metteur en scène, avec plus de force sa colère et sa rage. Au jeune de répondre « ça fait longtemps que je n’ai pas été dans cet état là ». Lorsqu’il qu’il lui indique pour cette fin de scène «Toi, tu restes tout seul », le jeune répond avec une touche de second degré « l’histoire de ma vie ». Il rejoue des morceaux de son vécu et les mets à distance par le jeu théâtral.
L’ensemble des élèves du Lycée assiste à la représentation
La représentation se déroule au Palais des Congrès de Pontivy. L’amphithéâtre permet d’accueillir l’ensemble des élèves de l’établissement, soit environ 200. Ce 25 avril 2023, les élèves répètent sur la vraie scène dès le matin ; l’émulation et la solidarité qu’a généré cette expérience se ressent. Un petit mot du professeur de théâtre viendra poser des notions de respect et de bienveillance du public envers les camarades sur scène et souligner leur investissement tout au long de l’année.
La pièce dure 30 minutes, elle est divisée en quatre scénettes nommées : « Gothique », « Nudes », « Inadapté », « Féminine ». Elles mettent en évidence un regard sur la personne harcelée et celle qui harcèle en abordant des questions de style vestimentaire, de relation-séparation-vengeance amoureuse, d’origine et d’orientation sexuelle. Elles montrent aussi la violence verbale, physique, ainsi que numérique. Elles font voir la dynamique de groupe, la place de l’adulte, le rejet, l’isolement et le suicide.
Un débat avec des professionnels du Lycée, du PAEJ et de la Gendarmerie.
Le groupe est acclamé pour sa prestation. La CPE lance le débat, le public se saisit de cet espace de parole pour poser des questions. Pour y répondre la maréchale des logis-chef, l’infirmière, a CPE et l’éducatrice spécialisée du PAEJ. Dans un premier temps, la législation prendra une part importante dans les questions du public jusqu’à ce qu’une jeune actrice prenne le micro pour interpeller ses camarades sur le concret de ces scènes : « ça parle de quoi ? ». L’infirmière met en évidence la souffrance entraînée par le harcèlement et s’appuie sur une situation réelle. Le PAEJ nommera les enjeux possibles dans un groupe et la difficulté à s’affirmer parfois par peur de rejet ou de se faire harceler soi-même. Est également abordée la souffrance pouvant aussi être vécue par le harceleur et le fait qu’on puisse être dans ces deux positions. Chacun soulignera tout au long du débat l’importance de pouvoir parler et les ressources possibles à activer, ainsi que le rôle de relais des ambassadeurs harcèlement.
L’après midi prend fin sur une note plus légère, un jeune acteur prend le micro et fait une session beat box. L’ensemble du public applaudit cette compétence qu’il découvre chez ce jeune.
Ce projet s’inscrit dans le dispositif Phare de lutte contre le harcèlement. Les élèves de la pièce sont volontaires pour deux ans pour assumer ce rôle d’ambassadeur harcèlement. La pièce, en plus d’avoir ouvert un espace d’échange, a permis qu’ils soient repérés par l’ensemble des élèves. Il serait intéressant de pouvoir poursuivre les échanges avec ce groupe et éventuellement envisager d’autres actions de prévention, s’appuyant sur la pair-aidance.
