Proposer un espace de parole autour de l’enjeu du consentement

En Juin 2023, l’infirmier du Lycée Joseph Loth sollicite le PAEJ afin de proposer aux élèves de seconde un temps de prévention au sujet de la vie affective et sexuelle. Le PAEJ du Pays de Pontivy est déjà en lien avec l’établissement et son infirmier depuis plus d’un an car un membre de l’équipe du PAEJ, psychologue clinicienne, y mène des permanences toutes les deux semaines. L’équipe a répondu positivement à cette demande en soumettant l’idée de se focaliser autour de la question du consentement. L’idée est validée par l’infirmier qui valorise une dynamique d’expérimentation.  Nous avons donc mené des recherches afin de trouver des outils et les éléments clés pour appréhender la prévention du consentement auprès de jeunes. Notre intention n’est pas de soumettre un cours théorique mais bien d’ouvrir aux jeunes un espace d’expression et d’élaboration autour de cette notion.

Nous sommes intervenues auprès de 8 groupes de seconde, en demi-classe, sur des ateliers d’une durée de 55 minutes.

« Le consentement avec une tasse de thé »

Les séances sont préalablement structurées avec différents outils. Afin d’ouvrir le débat, les interventions débutent avec le visionnage d’un court métrage expliquant « Le consentement avec une tasse de thé ». Ensuite, un espace d’échange est proposé pour permettre aux jeunes d’exprimer leurs ressentis et réflexions sur la vidéo. Souvent réservé.e.s à la participation, les jeunes s’ouvrent davantage lors du débat mouvant qui suit le temps d’échange et les exemples de situations. Tous les outils d’intervention n’ont pas été employés dans tous les groupes, en effet un outil fonctionnant avec certains jeunes, peut ne pas prendre avec d’autres. L’enjeux étant de permettre l’échange au sujet du consentement, il s’agit donc de s’adapter à ce qu’apporte ou soulève les jeunes présent.e.s durant les séances.

Le consentement en théorie… et en pratique

L’importance de la notion du consentement dans la vie affective et sexuelle apparaît entendue par beaucoup de jeunes « le consentement, c’est important », « c’est logique », « ne pas forcer les gens s’ils disent non » « le consentement, c’est la BASE ». En théorie, un grand nombre des jeunes participant.e.s aux interventions sont alertes face cette thématique. L’expérience affective n’est pas forcément faite pour un grand nombre d’entre eux.elles, mais ils.elles semblent tout à fait conscient.e.s de l’importance du propos. Alors pourquoi on en parle souvent si cela est évident ? Qu’est-ce que sous-tend cette notion ? Pourquoi dans la pratique le consentement est plus compliqué ?

« Si une personne dit oui sans en avoir envie, elle est consentante. »

A cette affirmation du débat mouvant, les jeunes se contredisent et s’interrogent. Ils.elles doivent donner leur avis, certain.e.s se positionnent en accord avec la phrase, d’autres doutes et une partie s’oppose à ce propos. Si le consentement a pu être défini par un jeune comme le fait « d’être d’accord », si une personne dit oui alors cela signifierait qu’elle est automatiquement d’accord ?

« Si une personne dit oui, c’est qu’elle est d’accord, il faut qu’elle assume après » explique un jeune.  Mais le consentement est-il exclusivement verbal ? « Non » soutiennent d’autres jeunes. Il existe d’autres signes que le langage dans le consentement, « il y a les expressions du visage », il y a « comment se comporte la personne ». On peut dire oui en faisant non de la tête. Alors pourquoi la personne ne dit pas non alors qu’elle n’en a pas envie ?

Dans les différents groupes, les jeunes se questionnent sur les raisons pouvant mener à ce type de situation. La personne peut avoir « peur » de dire non : peur des conséquences négatives, comme des comportements « violents » ou des menaces de séparation par exemple. La peur de perdre l’autre, parce que l’on est attaché à lui.elle. Ici, on vient nommer le chantage affectif. « On peut dire oui pour faire plaisir aussi », ou par obligation lorsque l’on est couple. L’idée du devoir conjugal est soulevée. Le couple peut être une pression, comme si l’on devait à l’autre une intimité sous prétexte de la relation. La notion d’insistance est également amenée dans plusieurs groupes. Si la personne insiste, cela pousse l’autre à céder à un désir qui n’est pas le sien. La personne cède pour que l’autre le.la laisse tranquille.

Et puis, comme le montre les chiffres (Service Statistique Ministériel de la Sécurité Intérieure – SSMSI, bases des victimes de crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie 2016 à 2020), il apparait que les femmes sont davantage touchées par le non-respect du consentement que les hommes. La question de la pression sociale et des normes selon le genre s’évoque au sein de plusieurs groupes. Une jeune invoque la notion de « femme objet », la femme dénigrée par les garçons avec les autres garçons. Dans un des groupes, plusieurs jeunes filles se saisissent de cet espace pour dénoncer la manière dont certains garçons parlent des filles dans leur groupe d’ami, pour paraître « fort » aux yeux des autres. Elles expriment leur ras-le-bol face à cette réalité, il y a des inégalités comportementales liées au genre d’appartenance. Cela nous a également permis de rebondir sur la notion de performance pouvant s’exprimer et faire pression dans les groupes de garçons.

Et tout cela a des conséquences, ce que toutes les classes sont venues souligner. Si le consentement n’est pas respecté, « On peut perdre confiance en nous » relève une jeune, « on peut être très mal ».

Alors, qu’est-ce que l’on peut faire ?

Les jeunes s’expriment, il faut « faire attention à la personne ». Le consentement c’est avoir conscience de l’autre mais aussi de soi dans les désirs que l’on a et savoir gérer sa « frustration », sans la faire peser sur l’autre. Le consentement, c’est « avoir l’accord de l’autre sans insister », « que le partenaire respecte nos volontés », « une volonté réciproque ». Le consentement c’est la « compréhension » de soi et de l’autre.

Une jeune fille explique qu’il faut « apprendre à savoir dire non », qu’il ne faut pas avoir peur de cela. Pour plusieurs jeunes savoir dire non c’est évident, mais il faut aussi savoir le permettre, l’entendre et le respecter chez l’autre.

Pour prévenir le consentement, une jeune finit par résumé « Il faut entendre, observer et comprendre l’autre ».

La responsabilisation et la conscientisation pour prévenir le consentement

Les échanges, pluriels et différents en fonction de la dynamique et de la participation des groupes, sont venus témoigner de la nécessité de parler de consentement. C’est un principe central dans la découverte et le développement de la vie affective et sexuelle. Il nous a semblé important dans nos interventions de souligner les notions de responsabilisation, individuelle et collective, mais aussi celle de témoin actif. Le consentement forme un enjeu complexe et très actuel où tout le monde a quelque chose à en dire et à agir.

Perrine SAUVÉE

psychologue clinicienne, PAEJ du Pays de Pontivy