Paroles de jeune sur le confinement et l’écoute proposée au PAEJ

Entretien avec une jeune femme de 25 ans, sans emploi, accompagnée au PAEJ

Interview réalisée en juillet 2020

Cette jeune femme a sollicité le PAEJ, il y a plusieurs mois pour « pouvoir parler, évacuer, se confier en confiance sur les difficultés anciennes et présentes. » elle a accepté de répondre à mes questions sur son vécu du confinement, du déconfinement et sur l’importance qu’a eu pour elle la poursuite de nos entretiens durant toute cette période.


« Oh… C’est assez compliqué pour le confinement, dans le sens où ça a beaucoup chamboulé mes habitudes quotidiennes. C’est le fait de rester enfermée… Tous mes rendez-vous ont été interrompus, les contacts humains n’étaient plus là du tout, ça a perdu de son humanité »

« Le déconfinement, au début j’ai pris ça comme un retour à la liberté, mais ça s’est révélé plus compliqué que je ne le pensais. Il y a un retour à la vie quotidienne mais pas encore un retour à comme avant. C’était compliqué. Je n’ai pas pu faire la bise, serrer la main. A travers toutes les précautions qu’il y a, je ne suis pas sûre qu’on ait retrouvé toute l’humanité qu’on avait avant. J’ai besoin du contact humain, de voir du monde. Je vois aujourd’hui les gens à travers les masques et j’ai l’impression que je ne les vois pas »

« La relation aux autres n’est pas du tout la même. Les gens ont peur de l’autre et c’est hallucinant parce qu’en même temps ils ne font pas attention, pourtant c’est la responsabilité de chacun de faire attention. La peur de l’autre est bien présente. Par exemple si je tousse dans la rue, les gens s’éloignent, croient que je suis malade : « faut pas l’approcher ! »

« Pour ma part, on n’a pas retrouvé le monde d’avant. J’espère le retrouver au niveau relationnel, car ça me bloque complètement. Ca cause le renfermement sur moi, un isolement. Je me sens isolée dans les relations aux autres. Si on peut voir les autres, on est très distant, très protocolaire. Ca va un moment ! Ca ne peut pas continuer comme ça. J’ai besoin de voir les gens, qu’il y ait un contact humain physique, se dire bonjour correctement. Ca peut paraître banal mais c’est énorme ! Ca c’est mes besoins… »

« Ça fait du bien que ça ait continué, vous avez bien géré le truc ! Ça coupe la routine des journées, du quotidien pendant le confinement et ça permet de garder contact. Pendant les deux mois et demi si on ne s’était pas appelé ça aurait été très compliqué. Pendant le confinement c’était bien de se voir. Quand on s’est revu avec les protocoles, c’était bizarre »

« C’est pas pareil, c’est vrai. Moi qui n’aime pas WhatsApp, je l’ai installée quand j’ai vu que ça durait car je ressentais le besoin de vous voir. C’était rassurant de se voir. Après les entretiens par téléphone, WhatsApp ça change forcément mais ça faisait du bien et ça permettait de voir d’autres personnes aussi. Le passage à la visio c’était bénéfique, ça permettait de voir d’autres gens, c’était humain tout simplement »

« D’abord il y a la relation de confiance qu’on a établi. Et puis, ça me permet d’évacuer, d’avoir un endroit où on peut être soi-même, où on a tissé des liens… »

« Je vois l’évolution depuis qu’on a commencé à se voir. Le travail est là, je vois les choses de manière différente. On parle de mon histoire. Voilà… Les pensées d’aujourd’hui et d’avant sont différentes, je ne réagis pas de la même manière. J’arrive à vivre, sans trop de difficultés, avec mon passé, avec les conséquences que ça a eu sans que ça me hante tous les jours… Si j’avais eu l’aide nécessaire à l’époque je n’en serai pas là aujourd’hui. J’espère un jour arriver à vivre avec tout ça, pouvoir accepter, moins me sentir coupable et vivre avec »

Estelle FEGAR, Thérapeute familiale,
PAEJ Capjeunes du Pays de Guingamp